Un département fermement républicain

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À la Belle Époque, la Troisième République est enracinée, ayant réussi à surmonter les crises des années 1870-1880, les institutions sont stabilisées et des partis politiques se constituent.

La vie politique est alors dominée par les modérés jusqu’en 1898, puis par les radicaux. La situation en Eure-et-Loir confirme cette tendance : le département se révèle fermement républicain, attaché au parlementarisme, et ne se montre tenté ni par le conservatisme, ni par les mouvements de gauche, adoptant à chaque échéance électorale la voie modérée des républicains de gauche et des radicaux.

Les résultats des élections législatives, particulièrement significatifs à une époque où le Président de la République n’est pas élu au suffrage universel, voient régulièrement et confortablement réélus les candidats issus du centre. La vie politique locale est ainsi dominée par des figures telles que Gustave Lhôpiteau à Chartres, Paul Deschanel à Nogent-le-Rotrou ou Louis Baudet à Châteaudun.

Situés aux deux extrêmes de l’échiquier politique, les candidats issus de la droite réactionnaire ou du socialisme se présentent régulièrement mais ne recueillent que peu de succès dans les urnes. Les grandes questions nationales agitent aussi l’Eure-et-Loir : alors que la presse fustige la corruption politique lors du scandale de Panama (1893), l’affaire Dreyfus suscite de vifs débats (1894-1898).

Une certaine passivité face à la séparation de l’Église et de l’État

La séparation des Églises et de l’État (1905), sans susciter l’adhésion des catholiques, fut considérée avec calme dans le département et il n’y eut que peu d’incidents lors de la réalisation des inventaires. De même, la lutte contre les congrégations religieuses et les évacuations d’établissements cléricaux ne suscitèrent guère plus que de la résistance passive. La réforme administrative et judiciaire, l’impôt sur le revenu (adopté en 1914), la question scolaire et l’exacerbation des tensions internationales à la veille de la Première Guerre mondiale furent aussi à l’ordre du jour.

En marge de la représentation politique : les ligues et l’anarchisme

L’anarchisme connaît l’une des heures les plus actives de son histoire à la Belle Époque et culmine lors de la vague d’attentats des années 1892-1894, marquée notamment par l’assassinat du président de la République Sadi Carnot.  Les anarchistes sont présents en Eure-et-Loir : si aucun attentat n’est à déplorer, leurs faits et gestes sont étroitement surveillés par les autorités locales, comme en témoigne le fichage systématique des individus suspectés de sympathie pour cette mouvance.

Ils firent essentiellement parler d’eux en 1905, à l’occasion d’une campagne d’affichage antimilitariste dans Chartres, qui suscita une vive émotion, et la répression culmina lors d’un déplacement du président Poincaré en Eure-et-Loir en 1913, de crainte d’un attentat.  Autre extrême, les ligues, nationalistes, réactionnaires et souvent antisémites, n’eurent qu’une influence extrêmement marginale en Eure-et-Loir.

La séparation des Églises et de l’État

La Belle Époque est une période de déclin pour les catholiques (recul de la pratique religieuse, crise de la vocation, remise en cause des enseignements traditionnels de l’Église par le progrès scientifique…). Rapidement, des tensions apparaissent, notamment autour de la question scolaire, et mènent la séparation entre les églises et l’État à l’initiative du gouvernement radical d’Émile Combes, qui porta la loi votée le 9 décembre 1905 : la République ne salarie ni ne subventionne aucun culte tout en garantissant liberté de conscience et de culte aux Français.

Dans les communes d’Eure-et-Loir, ce conflit s’était traduit par des tensions entre les curés et les maires ou les instituteurs et, après la séparation, les principales difficultés émergèrent lors de la réalisation des inventaires ou de la fermeture des établissements congréganistes, mais restèrent limitées : résistance des curés qui ne souhaitaient pas laisser accéder les agents des Domaines aux églises, chahuts, prêches virulents… L’évêque de Chartres, Mgr Lagrange, prôna cependant l’apaisement et la soumission à la République, représentatif en cela du mouvement du Ralliement porté par le pape Léon XIII.

Paul Deschanel (1855-1922)

D’origine belge, il fut sous-préfet de Dreux de 1877 à 1879, puis conseiller général et député de la circonscription de Nogent-le-Rotrou de 1885 à 1919 et, enfin, sénateur d’Eure-et-Loir de 1921 à sa mort. Au-delà de son rôle politique local, il fut aussi président de la chambre des députés et président de la République en 1920. Membre des républicains de gauche (centre-gauche) il se démarquait par un certain progressisme social et était favorable à une réforme administrative et fiscale ainsi qu’à la laïcisation de l’état.